18

 

 

Juarez se glissa sur une place devant chez Rosie et regarda Feenie traverser le parking. En jean, queue de cheval rebondissante, elle semblait prête pour une journée de travail ordinaire.

Mais il n’était pas dupe. Elle semblait nerveuse. Et il aurait mis sa main à couper que ce qui la rendait nerveuse avait un rapport avec le rendez-vous qu’elle avait eu avec McAllister la nuit dernière.

Elle préparait quelque chose. Mais il ne savait pas quoi.

Il la suivit et la regarda se glisser sur un siège vers le fond de la salle. Avec Cecelia, merde. Il avait espéré se joindre à Feenie pour le petit-déjeuner. Leur conversation de la veille avait abouti à une phase de silence et il était prêt à apaiser les choses. Tout nu, de préférence, mais il lui parlerait autour d’une table s’il le fallait. Ensuite il la ramènerait chez lui et la mettrait nue.

Il la regarda parler avec Cecelia. Au moins, elle n’était pas avec ce journaliste. McAllister avait une réputation, et Juarez n’aimait pas qu’il tourne autour de Feenie. En fait, s’il le voyait de nouveau en train de lui tourner autour, il était presque certain de lui arracher la tête.

Il s’installa sur un tabouret au bar. Il était irrité. Et jaloux. Et frustré. Tout ça à cause d’elle.

Bon sang, elle lui manquait. Il voulait bien le reconnaître. Leur nuit de sexe avait été incroyable, qu’elle veuille l’admettre ou non. Il n’avait pas honte de la vouloir de nouveau dans son lit.

Mais il réalisa que c’était plus que ça, et ça devait probablement être le cas de Feenie aussi. Voilà pourquoi il se torturait ainsi. Elle voulait faire valoir ses arguments. Quand elle aurait enfin jugé qu’elle les avait prouvés, il pourrait la récupérer.

— Hola Marquito. Migas otra vez ?

Rosie lui sourit derrière le comptoir. Il lui commanda une assiette de huevos rancheros et engagea le bavardage habituel à propos de sa mère et de Kaitlin. Rosie lui servit une tasse de café fumante et lui transmit ses habituelles amitiés pour sa famille.

— Claro, répondit-il en buvant une gorgée.

Il jeta un coup d’œil vers le fond du restaurant.

Elle avait disparu.

— Merde !

Il se précipita vers sa place vide, dépassa les toilettes et ouvrit la porte de derrière. Plusieurs garçons de café se tenaient près d’une benne à ordures en train de fumer une cigarette.

— Vieron a dos mujeres ?

Les types levèrent les yeux. L’un d’entre eux mit ses mains en coupe devant sa poitrine, et les autres ricanèrent.

— Si ! dit Juarez. Adônde fueron ?

Le gars pointa son doigt en direction du parking. Il parcourut les rangées de voitures des yeux. La Kia blanche était toujours à la même place, mais Feenie avait disparu.

 

La jeep de McAllister heurta un nouveau nid-de-poule alors qu’ils traversaient le centre-ville de Punto Dorado pour la troisième fois.

— Tu es sûre que c’est la bonne ville ? demanda-t-il.

— Affirmatif.

Feenie déplia la carte encombrante et étudia une nouvelle fois le plan de la ville. Ça devait être, dans le coin. Forcément. La station balnéaire somnolente ne possédait qu’une seule route nationale parallèle à la côte. Ils l’avaient parcourue plusieurs fois dans les deux sens, mais Feenie n’avait pas retrouvé la boutique de plongée.

McAllister passa devant un bâtiment abandonné qui, à en juger par l’écriteau en bois altéré par le temps, devait autrefois abriter un restaurant de fruits de mer. Il s’engagea dans le parking d’un motel, sur le toit duquel était fixé de manière permanente un panneau indiquant des chambres libres. L’industrie du tourisme à Punto Dorado semblait être à l’agonie.

— Laisse-moi regarder la carte, dit McAllister.

Feenie la lui tendit volontiers et attendit qu’il reconnaisse qu’il n’y comprenait pas grand-chose de plus qu’elle.

Quelqu’un frappa doucement à la vitre en plastique de la Jeep et elle tourna vivement la tête. Deux gamins aux visages hâlés se tenaient à côté de la Jeep, les mains tendues.

— N’ouvre pas la porte, lui dit McAllister en posant la carte sur le côté.

Puis il s’adressa aux enfants :

— Vengan acá !

Il agita un billet de dix dollars et les enfants se ruèrent du côté du conducteur. McAllister ouvrit la porte et échangea quelques mots avec eux en espagnol.

Elle observa les visages des enfants pendant qu’ils lui parlaient. Ils ne devaient pas avoir plus de huit ans, dix tout au plus. Leurs vêtements étaient sales et déchirés, et ils avaient les joues creuses. McAllister dut leur dire quelque chose de drôle, car les petits se mirent à rire. Puis il leur tendit le billet et referma sa portière.

— À environ deux kilomètres au sud, près d’un café rose, annonça-t-il.

Il fit demi-tour et, quelques minutes plus tard, ils passèrent devant la boutique de plongée. Elle ne lui semblait pas si familière, mais c’était la seule de la région. Ils se trouvaient en périphérie de la ville, désormais. Les motels et les boutiques pour touristes se faisaient de plus en plus rares, remplacés par le maquis et par quelques habitations délabrées. Ses épaules se raidirent tandis qu’elle fouillait la route des yeux, à la recherche d’un chemin de gravier.

— Ça te dit quelque chose ? demanda McAllister.

— Un petit peu.

Elle espérait ne pas l’avoir emmené sur une fausse piste. Il était entièrement probable que ce voyage soit une perte de temps. Même si elle pouvait retrouver l’endroit où Josh l’avait emmenée, qui sait ce qu’ils allaient y trouver ?

Ils dépassèrent plusieurs petites routes primitives, qui s’éloignaient toutes du côté opposé à la mer. Celle qu’elle cherchait devait au contraire y conduire. Elle avait aperçu un bac, également, ce qui signifiait qu’il devait y avoir une sorte de couloir de navigation non loin, un endroit où les bateaux puissent s’amarrer, puisqu’ils ne pouvaient évidemment pas accoster sur la plage.

La route tourna vers l’ouest, et le paysage devint marécageux. Elle repéra un pont droit devant eux, qui enjambait l’embouchure d’une rivière. Tandis qu’ils approchaient, une route de gravier apparut. Un panneau en bois indiquait « Alvarez Distributing ».

— Là ! s’exclama Feenie. Je crois que c’est ça !

McAllister dépassa le panneau sans ralentir, probablement pour ne pas attirer l’attention sur la Jeep.

Feenie examina l’endroit. La clôture surmontée de fils de fer barbelés était nouvelle, mais c’était bien ça. Un portail électronique en barrait l’entrée, et au-delà, la route s’incurvait vers la mer et disparaissait au milieu d’un bouquet d’arbres. Zut. Comment allaient-ils pouvoir passer le portail ? McAllister dépassa l’embranchement et avança jusqu’au pont. Le sol était détrempé et les roseaux poussaient en abondance sur le bord de l’eau.

— Fais attention, dit-elle. J’aimerais pas qu’on s’embourbe.

Il sortit de la route et se faufila à travers quelques arbustes. Les plantes étaient difformes et penchées par les vents forts qui soufflaient depuis le golfe. Dans les buissons, la Jeep serait bien à l’abri des regards d’éventuels passants.

— Quatre roues motrices, chérie, dit-il en lui souriant. T’es contente de m’avoir emmené, hein ?

Elle l’était effectivement, et plus encore qu’il ne le pensait. Il l’avait non seulement aidée à se débarrasser de Marco chez Rosie et à semer les agents du FBI qui les avaient peut-être suivis jusqu’à la sortie de la ville, mais ses notions d’espagnol s’étaient avérées très utiles. De plus, c’était un homme, et un mètre quatre-vingt-cinq de muscles virils pouvait s’avérer aussi très utile si elle se retrouvait dans le pétrin.

Feenie espérait ne pas en arriver là. La mission était seulement de glaner des informations. Leur plan était d’étudier les lieux, de prendre quelques photos et, si possible, de parler à des gens du coin pour savoir quel genre de business, s’il y en avait bien, on était censé diriger sur cette partie des terres. La banque alimentaire faisait d’énormes chèques pour quelque chose du nom d’Alvarez Distributing, mais ça pouvait signifier tout et n’importe quoi.

McAllister sortit un pistolet de sa santiag abîmée et vérifia qu’il était bien chargé.

— Je me demandais pourquoi tu portais un jean, dit-elle.

Il replaça le pistolet sous le cuir.

— Tu es prête ?

— Une seconde.

Elle ouvrit le sac banane attaché autour de sa taille. Elle y avait fourré quelques nécessités : arme, bombe lacrymo, téléphone portable, et l’appareil photo qu’elle avait emprunté à Drew.

— On dirait une touriste avec ce truc, dit McAllister.

— C’est le but, répondit-elle en souriant. Si quelqu’un me demande ce que je fais, je ferai semblant d’être perdue.

Elle glissa quelques billets dans la poche de son short avec son passeport. Puis elle décida de caler la bombe lacrymogène dans la boucle de sa ceinture pour l’avoir à portée de main.

— Prête, déclara-t-elle en s’épongeant le front du revers de la main.

McAllister lui posa une main sur l’épaule.

— Tiens-t’en au plan, d’accord ? N’attire pas l’attention sur toi. Et si quelqu’un approche, laisse-moi parler.

— D’accord.

Elle lui tapota la main.

— McAllister… merci de m’avoir accompagnée. C’est très important pour moi.

— Pas de problème.

— Je dois te poser une question. Qu’est-ce que ça veut dire, guera ?

Il fronça les sourcils.

— Quoi ? En espagnol tu veux dire ?

— Ouais.

Il sourit.

— Est-ce que Juarez t’a appelée comme ça ?

— Oui. Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Un truc du genre « blondie ». Quelqu’un de bien.

Il la regarda plus attentivement.

— Tu dois être prudente avec ça, Malone. Il ne te donnera pas ce que tu veux, tu sais.

Elle ne répondit pas. Il était trop tard pour la prudence.

— Malone ?

— Allez, allons-y, dit-elle en ouvrant sa portière pour mettre fin à la conversation.

Ils sortirent de la voiture et la verrouillèrent. Ils traversèrent la route et se dirigèrent d’un pas vif vers l’allée en gravier, en faisant bien attention de rester près des buissons.

— Donne-moi ton appareil, dit McAllister. Je vais essayer de me faufiler et de prendre une photo du panneau. Essaie de rester hors de vue, d’accord ?

Elle hocha la tête, ouvrit son sac et lui tendit l’appareil photo. Quand il eut disparu dans les feuillages, Feenie se dissimula derrière un palmier fouetté par le vent et vérifia une nouvelle fois l’entrée. Il ne semblait pas y avoir d’autre portail. Aucun accès facile. Elle regarda le portail électronique puis la clôture. Même si elle parvenait à l’escalader, les barbelés semblaient infranchissables.

— Hé, bébé.

Ses poils se hérissèrent en reconnaissant la voix.

— Qu’est-ce que tu fais là ? siffla-t-elle.

Marco se tenait à quelques mètres d’elle, camouflé parmi les fourrés et les branches près de la clôture. Il portait un treillis marron, un T-shirt noir et des espèces de bottes militaires à lacets.

— Je te suis, répondit-il.

Elle se dirigea vivement vers lui en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne les voie.

— Comment tu m’as retrouvée ?

Il lui fit un demi-sourire.

— Je te l’ai dit, tu es facile à suivre.

Ses joues s’échauffèrent. Comment avait-il réussi à les suivre ?

— Mais comment tu as…

— Tu as laissé un atlas sur la table de ta cuisine, avec un post-it dessus. Une fois arrivé en ville, ça n’a pas été très difficile de trouver les deux Américains perdus qui se baladaient dans le coin.

Elle ouvrit grand la bouche, trop furieuse pour lui crier dessus, ce qui n’était de toute façon pas une bonne idée, puisqu’elle essayait de ne pas se faire repérer.

— Alors, reprit-il en regardant la clôture. On est où, et pourquoi ?

Elle avait deux possibilités : rester là et se disputer avec lui avant de le laisser la suivre, ou le laisser la suivre.

— On doit réussir à passer le portail, expliqua-t-elle. Des idées ?

Un camion arriva en grondant sur la nationale et ralentit au niveau de la route en gravier. Marco l’attira dans les fourrés.

— Juste une, dit-il en regardant le portail s’ouvrir.

— J’y ai déjà pensé. Il y a une caméra de surveillance.

— Bien vu. OK, j’ai un autre moyen.

Il ouvrit l’une de ses nombreuses poches et sortit le couteau suisse le plus élaboré qu’elle ait jamais vu. Il en fit apparaître des pinces.

— On va se faire notre propre entrée.

— Tiens tiens, qui voilà, putain !

McAllister s’approcha sans se presser et tendit l’appareil à Feenie.

— C’est une réunion de Mayfield.

Marco le dévisagea et McAllister l’imita. Feenie pouvait sentir un courant d’hostilité crépiter entre eux – deux mâles alpha qui ne s’appréciaient manifestement pas. Feenie songea que l’animosité avait dû prendre ses racines dans l’article à propos de la saisie de drogue de Marco.

McAllister se tourna vers Feenie.

— Je vais contourner la propriété par le nord. Je veux avoir un aperçu de l’endroit depuis le bord de l’eau, pour voir si des bateaux circulent.

Il leva un sourcil d’un air interrogateur, et Feenie comprit qu’il se posait des questions quant à Marco.

— Tu veux venir avec moi ?

— Elle reste avec moi, intervint Marco.

Feenie leva les yeux au ciel.

— Je vais rester ici, dit-elle à McAllister. On va aller explorer de l’autre côté de la clôture.

— D’accord, alors retrouvez-moi ici dans trente minutes.

Il leur adressa à tous les deux un regard dur.

— Ne vous attirez pas d’ennuis.

Après son départ, Feenie rangea l’appareil dans son sac et se tourna vers Marco. Il s’était accroupi près de la clôture et elle se baissa à côté de lui.

— Ces tenailles n’ont pas l’air assez solides pour…

Sa voix s’estompa quand elle le vit tendre un long brin d’herbe vers le grillage métallique. Il vérifiait s’il n’y avait pas de courant ? Il ne se passa rien, alors il jeta le brin d’herbe et posa les pinces sur la clôture. En quelques minutes, il avait découpé un carré de soixante centimètres.

Il rempocha son outil et se releva.

— Honneur aux dames.

Elle rampa à travers le trou et accrocha son T-shirt au passage. Il libéra le tissu avant de la suivre.

— Et maintenant ? demanda-t-il.

— On cherche un bâtiment. Beige, je crois. En tôle ondulée.

— Et qu’est-ce qu’on espère y trouver ?

Elle haussa les épaules.

— Je ne sais pas vraiment. Je pense qu’on le saura quand on le verra.

Il la regarda de haut en bas. Des gouttes de sueur perlaient sur les tempes de Marco, et son T-shirt était plaqué contre sa poitrine. Il devait faire deux mille degrés et cent cinquante pour cent d’humidité.

— Tu as fait tout ce chemin jusqu’ici, et tu ne sais pas ce que tu cherches ? Vous pourriez vous faire tirer dessus et personne ne bougerait le petit doigt. La loi est plutôt laxiste dans le coin.

— Écoute, dit-elle, exaspérée, je ne t’ai pas invité, d’accord ? Alors épargne-moi tes sermons. Je pense qu’on va trouver des preuves, ici. Josh a acheté cet endroit juste avant de commencer à détourner l’argent de la Banque Alimentaire.

— La Banque Alimentaire, hein ? Et c’est de ça que toi et Johnny Boy vous parliez la nuit dernière ?

— Oui ! Maintenant, peut-on aller jeter un coup d’œil, s’il te plaît ? Je ne sais pas ce qu’on va trouver, mais je suis sûre que ça vaut le coup d’œil.

Il haussa les épaules.

— Ça me va.

Il sortit son arme, vérifia le chien et le cala de nouveau à la ceinture de son pantalon.

— Mais suis-moi.

Elle resta derrière lui et ils se frayèrent un chemin à travers la végétation. Elle distingua une rangée de voitures et deux bâtiments beiges en tôle ondulée.

— Lequel ? demanda-t-il.

— Aucune idée. Le plus neuf, peut-être ? Il est plus près de l’eau.

Il se mit en route vers le bâtiment qui semblait le plus neuf. L’autre avait les fenêtres brisées et des graffitis recouvraient l’un des murs. Il ne semblait pas bien sécurisé, et il supposa donc qu’il ne devait pas abriter grand-chose de valeur.

Ils contournèrent le parking en faisant de leur mieux pour rester hors de vue. La porte d’entrée du second bâtiment n’était pas surveillée par une caméra, mais des ouvriers entraient et sortaient en portant des caisses et des boîtes. Certains étaient en T-shirt et en jean, et d’autres seulement en short. Beaucoup d’entre eux avaient des T-shirts ou des bandanas noués autour de la tête, probablement pour absorber la sueur abondante que la chaleur ambiante faisait forcément couler. Le regard de Feenie dériva vers l’arrière du bâtiment, où quelques hommes étaient rassemblés autour d’un chariot élévateur, des cigarettes à la main, crachant dans la poussière.

— Il nous faut une autre porte, dit Marco. Reste derrière moi.

Ils se glissèrent de l’autre côté de l’entrepôt, mais n’en distinguèrent aucune. Heureusement, Feenie repéra une fenêtre ouverte. Malheureusement, elle se trouvait au moins à trois mètres du sol.

— Prends-moi sur tes épaules, je vais jeter un coup d’œil à l’intérieur, dit-elle.

Marco lui jeta un regard qui voulait dire « sois réaliste ».

— Je suis sérieuse. Hisse-moi là-haut, je verrai la configuration du terrain et on décidera de ce qu’on fera ensuite.

Il hésita.

— Ça ne prendra qu’une minute. Tu veux vraiment y aller à l’aveugle ?

Il marmonna quelque chose en espagnol et se dirigea vers la fenêtre. Grâce à ses quatre saisons de pom-pom girl, elle grimpa sur ses épaules en quelques secondes. Il oscilla sous elle, ce qui rappela à Feenie qu’elle pesait plus lourd qu’à cette époque.

— Attrape mes chevilles pour me stabiliser, lui ordonna-t-elle. Je te fais mal ?

— Non, répondit-il d’un ton bourru. Qu’est-ce que tu vois ?

Elle regarda par la fenêtre. Ses yeux s’ajustèrent et elle réalisa qu’elle regardait dans une pièce du deuxième étage. L’entrepôt possédait apparemment un grenier. L’espace était rempli par des caisses et des boîtes de rangement. Quelque chose bourdonna sur sa droite, où un homme se tenait près d’une déchiqueteuse de papier. Il était jeune, dans la vingtaine, et ses vêtements étaient imbibés de transpiration. Il fourrait feuille après feuille dans la machine, inconscient de son public. Derrière lui, un ventilateur tournait, faisant tournoyer des petits bouts de papier dans l’air.

— Ça ressemble à un bureau et à une salle de stockage, murmura-t-elle à l’intention de Marco. Au deuxième étage de l’entrepôt, j’imagine.

— Tu vois des gens ?

— Juste un type. Je vais rentrer pour mieux voir.

— Merde, Feenie !

Marco chancela vers l’arrière, mais il était trop tard. Elle s’était déjà agrippée au rebord de la fenêtre et se hissait – merci, les ballons d’exercice.

— J’en ai pour une seconde ! murmura-t-elle.

Il leva les yeux vers elle, le visage rouge de fureur. Elle alla s’accroupir derrière une boîte de rangement et regarda attentivement autour d’elle.

La pièce ressemblait à une salle de stockage, mais elle avait l’impression d’être dans un four. La sueur ruisselait dans son dos tandis qu’elle donnait un petit coup au sommet de l’une des boîtes et jetait un coup d’œil à l’intérieur. Des conserves. Elle parcourut les étiquettes : maïs, ananas, pêches. Elle s’empara d’une conserve et la secoua. Ça ressemblait à des fruits, mais qui sait ? Peut-être qu’elles contenaient un genre de contrebande. Elle ouvrit son sac banane, qu’elle portait devant pour y avoir un accès plus facile, et la fourra à l’intérieur. Elle remarqua l’arme. C’était le bon moment de l’avoir sous la main, surtout depuis que Marco n’était plus à ses côtés. Elle la cala à l’arrière de son short en espérant qu’elle n’allait pas se tirer un coup dans les fesses.

L’homme dans le bureau pivota et se dirigea vers sa cachette au milieu de la réserve. Elle s’accroupit derrière une pile de boîtes tandis qu’il s’approchait en traînant les pieds. Quand ses bruits de pas s’éloignèrent, elle risqua un œil. Il avait emporté une autre boîte dans le bureau et recommençait à déchiqueter.

L’espace entier ressemblait à un entrepôt. Un sorte d’immense machine occupait un côté du bâtiment, qui servait peut-être à créer des conserves ? Quoi que ce soit, elle n’était pas en marche pour l’instant. Des hommes s’affairaient tout autour, portant des boîtes et des caisses pour aller les empiler sur des palettes près d’une immense porte de garage. Un chariot élévateur déplaçait les palettes sur le plateau d’un poids lourd.

Un ruban vert d’eau scintillante apparaissait juste au-delà du camion. Et un ponton. Elle distingua deux taquets géants destinés à attacher les bateaux, mais il n’y en avait aucun en vue. Son regard tomba sur une rangée de boîtes alignées près de la porte. Elles étaient empilées par quatre, et une paire de sandales rouges dépassait d’une caisse située à l’extrémité.

Des sandales de femme.

Les minutes passèrent tandis que Feenie attendait que les boîtes disparaissent. Les hommes les chargeaient avec systématisme dans le camion, avec une méthode qui semblait prendre une éternité. Enfin, quelqu’un souleva une caisse et Feenie vit une femme avec de longs cheveux noirs assise près de la porte. En réalité, elle ressemblait plus à une petite fille. D’après sa position, cependant, elle ne pouvait pas être la propriétaire des chaussures. Au fur et à mesure que les boîtes disparaissaient, d’autres fillettes apparurent. Quand la rangée entière fut chargée, Feenie compta six filles assises en ligne.

Et maintenant, qu’allait-il se passer ? À tout moment, les enfants pourraient être traînées avec le reste du chargement, en direction de Dieu sait où.

Elle sortit son appareil photo et prit quelques clichés des fillettes. Puis elle en prit plusieurs autres des caisses qui l’entouraient dans la réserve. Les photos n’auraient pas grand intérêt sans une explication, mais elle s’inquiéterait de ça plus tard. Elle devait aller retrouver Marco pour qu’ils se reconnectent avec McAllister et élaborent un plan au sujet des enfants. Elle se retourna pour partir.

Et se heurta au type de la déchiqueteuse. Il n’avait pas l’air content.

Elle tendit la main vers son .38 tout juste quand il pressa le canon froid et noir de son pistolet contre sa tempe.

 

Bon sang, qu’est-ce qui lui prenait si longtemps ? Juarez gardait les yeux rivés sur la fenêtre. Il aurait dû s’en douter. Il s’en était douté, en réalité, mais il s’était fait avoir par ces foutus yeux de biche.

Il perçut un mouvement au bord de la fenêtre et s’apprêta à voir Feenie réapparaître. Ce ne fut pas le cas, ce qui signifiait qu’elle avait des ennuis. Merde. Il s’accroupit derrière un buisson de laurier-rose juste au moment où quelqu’un se pencha par la fenêtre. Le type balaya les environs du regard et articula quelques mots dans son talkie-walkie.

Quand le type eut disparu, Juarez émergea des buissons et se glissa du côté du bâtiment qui faisait face à la mer. La zone était bondée de gens, mais il fallait qu’il entre. Sur-le-champ. Il pourrait se faire passer pour un des ouvriers, mais Feenie, c’était foutrement sûr que non.

Il devait la sortir de là, et vite.

 

Feenie était assise sur le béton, plongée dans l’obscurité. Elle n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis qu’on l’avait jetée dans l’entrepôt couvert de graffitis, mais elle avait l’impression que ça faisait des heures. La sueur ruisselait le long de ses bras, picotant les coupures à ses poignets. Le type n’avait pas été tendre avec la corde. Ses chevilles aussi étaient en feu, brûlant de plus belle quand Feenie changeait de position. Le bâillon avait un goût de poussière et avait absorbé jusqu’à la dernière goutte de salive de sa bouche. Elle aurait très vite besoin de boire, ou bien elle risquait de s’évanouir.

Elle se tordit le cou pour essayer de voir ce qui reposait derrière elle, derrière les rangées de caisses et de bidons en métal. Un rayon jaune qui provenait d’une vitre cassée située juste sous le plafond lui offrait une faible lumière, mais qui n’éclairait pas grand-chose. Un camion gronda à l’extérieur, s’éloignant de l’enceinte du bâtiment. Camion numéro quatre. Elle les comptait depuis qu’elle avait été jetée ici. Quatre camions étaient venus et repartis, et ni McAllister ni Marco n’étaient venus la chercher.

Où sont-ils ?

Elle ferma les yeux et essaya de penser à quelque chose de moins inquiétant, comme son besoin désespéré d’eau. Tout valait mieux que se demander ce qui avait bien pu leur arriver pour qu’ils ne viennent pas.

Elle aurait dû rester avec Marco mais, comme d’habitude, sa curiosité l’avait emporté sur la raison. Elle était désormais prise au piège, seule, sans la moindre idée de ce qu’on allait lui réserver. Le type de l’entrepôt ne lui avait pas parlé en anglais, mais son intention était claire.

Elle était plongée dans les ennuis jusqu’au cou. Et de sacrés ennuis. Quelqu’un plus haut placé allait bientôt venir pour s’occuper d’elle. On lui avait retiré son sac banane, ses chaussures et ses clés avant de la pousser dans l’entrepôt et de la ligoter. Si elle essayait de s’échapper, ou même de bouger, on lui tirerait dessus.

Ce dernier message lui avait été communiqué par le cul du pistolet semi-automatique de l’homme. Feenie n’avait pas très envie de vérifier la sincérité de la menace.

Après le départ du deuxième camion, elle avait essayé de chercher un moyen de s’échapper. Des bidons géants bordaient le fond de l’entrepôt, et la seule entrée semblait au moins à vingt mètres de là. Ses liens l’empêchaient presque totalement de bouger, et la porte était probablement gardée ou verrouillée. Ou les deux. Mais il fallait qu’elle essaie. L’intervalle entre les camions s’allongeait. Le vacarme des voix à l’extérieur s’était calmé. On évacuait les lieux, et elle était terrifiée à l’idée qu’on puisse la laisser là.

Elle devait retrouver Marco.

Peut-être était-il lui aussi pris au piège quelque part ? Sinon, il serait déjà arrivé. Et McAllister ? Quelque chose avait dû leur arriver. Quelque chose d’horrible, elle le savait.

Elle ne se pardonnerait jamais d’avoir eu cette idée incroyablement stupide.

Elle se mit à genoux et essaya de se relever, ce qui lui fut impossible étant donné la façon dont ses chevilles étaient attachées. Peut-être que si elle roulait sur elle-même, elle aurait assez d’élan pour…

Son attention fut détournée par la porte qui s’ouvrit en grinçant. Quelqu’un entra d’un pas vif. Elle reconnaissait sa démarche et sa silhouette, même en contre-jour, mais elle ne distingua son visage qu’une fois qu’il s’accroupit devant elle.

— Feenie, Feenie, Feenie. Qu’est-ce que tu es en train de trafiquer ?

Josh lui toucha la joue. Elle rejeta vivement la tête en arrière.

— Tu as une vilaine coupure, là, Feenie. Tu devrais faire plus attention à toi.

Il se releva et elle perçut une bouffée de Polo Safari. Elle eut un haut-le-cœur. Il portait des mocassins italiens et un pantalon habillé – toujours dans son rôle de l’avocat pimpant, apparemment. Il baissa sur elle ses yeux gris couleur de silex.

— Tu es une vraie emmerdeuse, tu sais ça ?

Elle marmonna quelque chose sous son bâillon.

Il tapota l’avant de sa veste de sport et sortit de sa poche un couteau suisse de l’armée. Il coupa le bandana serré autour de sa bouche et le jeta sur le côté. On progressait. Au moins elle pouvait s’exprimer.

— Tu disais ?

— C’est ce qu’on m’a dit, répondit-elle d’une voix rauque.

— Je parie que ton détective n’arrive pas à te suivre, lui non plus. Comment s’appelle-t-il ? Manuel ? Miguel ? José ?

Elle refusa de mordre à l’hameçon. Au lieu de ça, elle se mit à tousser et essaya d’évacuer la poussière de ses poumons.

— Il n’a pas grand-chose d’un détective privé, mais bon, toi non plus. Tu croyais vraiment que tu allais me faire tomber avec ton petit numéro de journaliste d’investigation ?

Il s’agenouilla de nouveau devant elle et passa un doigt sur son mamelon. Elle fit une grimace, et un sourire rayonna sur le visage de Josh.

— Il est peut-être bon au lit. C’est ça ? Il fait ressortir ton côté sauvage ? J’ai toujours su que tu en avais un, mais tu étais trop prude pour l’admettre.

Il se releva, cette fois en grimaçant.

— Je devrais te remercier, à bien y réfléchir. Si tu avais été bonne, je n’aurais pas décidé d’élargir mes horizons sexuels. Je serais certainement toujours en train de faire mes heures dans ce foutu cabinet d’avocats. L’importation est nettement plus lucrative.

— Tu vas aller en prison, Josh.

Elle espérait qu’il n’avait pas perçu le tremblement dans sa voix.

— Où t’as été chercher ça ? C’est ce que t’ont dit tes sources ? Que je suis mis en examen ? Eh bien, j’ai de bonnes nouvelles pour toi, Feenie. Et n’hésite pas à me citer là-dessus : ça n’a aucune importance. Je suis désormais invisible. Personne ne sait où je suis ni où je vais, et j’ai tellement d’argent de côté que je n’aurai jamais besoin de revenir.

Elle hésita.

— Et ton père ? Il te suit, lui aussi ? Il a des problèmes cardiaques. Je suis sûre qu’une vie en cavale sera parfaite pour sa santé.

Les traits de Josh se durcirent. Elle avait touché un point sensible.

— Et ta mère, Josh ? Tu prévois tout simplement de la laisser expliquer tes crimes ? Elle t’a chouchouté toute ta vie, et c’est comme ça que tu la traites ?

Il crispa la mâchoire.

— Ne prétends pas connaître ma famille, Feenie. Tu n’en as jamais fait partie. Mes parents m’ont toujours dit que mon mariage était indigne de ma condition, et j’aurais dû les écouter.

Il cracha sur le sol devant elle et se retourna.

— Où tu vas ? glapit-elle.

Il se retourna vivement, manifestement enchanté de la voir paniquer.

— Oh, je suis désolé. J’ai un avion à prendre. Cet endroit est complètement vide maintenant, à part toi. Mais ne t’inquiète pas. J’ai engagé quelqu’un pour te tenir compagnie. Je lui ai dit de te réduire au silence. Définitivement.

Son estomac se noua.

— Tu n’as même pas les couilles de le faire toi-même ? Tu as ramené ton tueur à gages ici pour le faire à ta place ? Tu as toujours été une merde sans le moindre courage !

Il sourit d’un air narquois.

— Tu parles de Brassler ? Tu crois que je le ferais venir d’El Paso juste pour ton cul ? Il facture vingt mille le coup, Feenie. Je réserve ce genre de somme pour de vrais obstacles. Comme des flics fouineurs, pas des petites pisseuses de journalistes. Tu as un ego démesuré. Depuis toujours.

Le sourire de Josh s’agrandit.

— J’ai prévu mieux que ça pour toi.

Il sortit un paquet de cigarettes de sa poche de poitrine et en cala une entre ses lèvres. Puis il gratta une allumette et l’alluma. Après avoir tiré une bouffée, il souffla un long filet de fumée.

— Tu fais toujours des cauchemars sur le feu, Feenie ?

 

Juarez commençait à désespérer. Il avait fouillé l’entrepôt sans trouver quoi que ce soit. Puis il avait retrouvé McAllister par hasard et le journaliste avait pâli en apprenant la disparition de Feenie. Juarez l’avait envoyé en ville pour prévenir la police locale. Et, au cas où ils soient peu disposés à s’impliquer, Juarez lui avait donné le numéro d’Hector à utiliser en dernier recours.

Puis il était revenu dans l’enceinte des bâtiments. Après avoir déchiré son T-shirt et caché son arme dans sa botte, Juarez s’était fait passer pour un des employés et avait vérifié chaque camion des locaux. Aucune trace d’elle. Il avait également vérifié le deuxième entrepôt, mais rien non plus. Le seul endroit qu’il n’avait pas fouillé était le bateau amarré au quai, mais il venait à peine d’arriver.

Accablé de sueur et de frustration, Juarez était à présent en train de charger une caisse dans un poids lourd. Puis il inspecta attentivement les environs. L’endroit était en train de se vider, et il ne faudrait pas longtemps aux autres ouvriers avant de se rendre compte qu’il n’était pas des leurs. Il devait trouver Feenie très vite.

Un coup de vent balaya le vaste terrain, soulevant la poussière et agitant la végétation autour des bâtiments. Un éclat brillant étincela à travers les arbres – un très court instant – avant de disparaître.

Du métal. Il y avait un autre bâtiment.

 

Feenie se débattait avec ses liens ; de ses pieds joints, elle essayait de forcer la corde qui reliait ses poignets. Ses mains étaient couvertes de sang et la douleur était épouvantable, mais c’était le cadet de ses soucis. Josh avait verrouillé la porte derrière lui. Si elle n’arrivait pas à se débarrasser de ses liens, elle n’avait pas la moindre chance de sortir de là vivante.

Elle entendit des bruits de pas près de l’entrée et se figea. Était-il de retour ? Ou est-ce que Marco arrivait enfin ? La porte ne s’ouvrait pas. Un bruit de gravier résonna le long de l’entrepôt. Quelqu’un faisait le tour du bâtiment. Pour faire quoi ? Seigneur, se pouvaient-ils qu’ils soient en train de verser de l’essence ? Elle imagina sa peau en feu, qui fumait, se craquelait et noircissait. Elle imagina l’odeur, le son.

Il fallait qu’elle sorte de là.

Elle plaça ses deux pieds entre ses poignets et poussa sur la corde de toutes ses forces. Elle laissa échapper un sanglot quand elle parvint enfin à se libérer. Ignorant la douleur provenant de ses coupures, elle se pencha et s’activa frénétiquement sur ses chevilles.

De la fumée. Elle ne la voyait pas, mais elle la sentait. L’odeur de la fumée âcre était reconnaissable entre toutes, l’essence de ses cauchemars.

Ses doigts tremblaient sur ses liens. Enfin, elle parvint à défaire le nœud.

Puis un coup de feu retentit, et la porte s’ouvrit à la volée.

 

Juarez vit du sang et se précipita vers elle.

— Tu es blessée ?

— Non ! On doit sortir d’ici !

Tandis qu’il l’entraînait tant bien que mal vers la porte, de la fumée commençait à envahir l’entrepôt. Il jeta un coup d’œil aux tonneaux métalliques. Merde, qu’est-ce qu’il pouvait y avoir là-dedans ? Il n’avait passa envie de rester dans les parages pour le découvrir.

Il enjamba le corps étalé devant la porte d’entrée – le type qui avait allumé le feu. Il ne semblait pas avoir plus de seize ans et, pendant un instant, Juarez regretta de lui avoir tiré dessus. Mais le gamin avait dégainé une arme et il n’avait pas réfléchi ; il ne pensait qu’à retrouver Feenie. Après l’avoir tirée à l’extérieur, il s’agenouilla et prit le pouls du jeune garçon. Faible, mais perceptible.

— Tu peux marcher ? demanda-t-il à Feenie.

Elle hocha la tête.

— Où est McAllister ?

— Il est allé chercher de l’aide. Éloigne-toi de ce bâtiment !

Elle boitilla vers un groupe d’arbres. En tenant son arme d’une main, Juarez attrapa les lacets des bottes du jeune garçon de l’autre. Puis il suivit Feenie vers une large bande de gazon en traînant le corps du garçon derrière lui. Ils s’arrêtèrent à une cinquantaine de mètres de l’entrepôt.

Feenie se laissa glisser par terre contre un tronc d’arbre. Du sang ruisselait de ses mains, et ses pieds nus étaient maculés de sang. Juarez posa son arme, s’agenouilla devant elle et lui souleva délicatement les bras. Le sang dégoulinait des écorchures à ses poignets. Dans un sale état, mais rien de fatal.

— Est-ce que ça va ? lui demanda-t-il.

Elle releva les yeux vers lui et hocha la tête d’un air hébété. Puis ses yeux dérivèrent vers un point derrière lui. Juarez suivit son regard et découvrit un SUV noir qui s’arrêtait près de la porte ouverte de l’entrepôt. Garland bondit hors de la voiture en jurant et se dirigea vers la porte. Il sembla remarquer la traînée de sang qui partait du bâtiment et fit volte-face. Il les repéra et plongea la main à l’intérieur de sa veste. Juarez tendit la main vers son arme, mais elle avait disparu.

Merde !

Et soudain, Feenie fut debout, le Glock tremblant dans ses mains.

— Baisse-toi !

Il se rua vers elle, et un coup retentit.